Fermeture [PV Nora]

Les quelques clients restant étaient en train de « plier bagages ». Il se faisait tard pour tout le monde, et pour Ryan aussi. En réalité, il n’était que neuf heures, mais ce jour-ci Pauly’s fermait plus tôt que d’habitude. Et le jeune homme était chargé de la fermeture. Tout comme il avait été chargé de servir une partie des clients en plus de son travail habituel. Il faut dire qu’en ce moment les employés se faisaient rares, un mauvais rhume paraissait-il. Enfin, tout autant est-il qu’il allait fermer dans une demi heure. L’étudiant repassa dans sa tête toutes les consignes qu’on lui avait données avant qu’il ne ferme boutique. Vérifier que les lumières étaient éteintes, de même pour le gaz. Prêter attention à ce que la chambre froide conserve bien sa température. Et bien s’assurer qu’aucun client ne restait. On ne savait jamais. Il fallait donc qu’il regarde y compris dans les toilettes. Pour le moment il était installé au mini bar du restaurant, et lavait quelques verres volontairement oubliés par ses collègues trop pressés de partir. Quels paresseux, franchement. C’était quelque chose que le brun détestait, la paresse. Combien de temps cela leur aurait-il pris de laver deux trois verres de plus? Cinq minutes maximum. Pas une de plus. Enfin, il soupira, excédé par cette bande de flemmards, d’autant plus que ce n’était pas la première fois qu’ils lui faisaient le coup. Non, on pouvait même dire qu’il commençait à avoir l’habitude. Malheureusement.

Oh qu’est-ce que ça faisait mal! Ça lui prit tout d’un coup, sans crier gare. Une énorme crampe au bras, du genre à vous faire arrêter tout geste sec et net. Une crampe qui vous fait bien mal au muscle, comme celles que vous avez parfois quand vous vous réveillez trop rapidement et que vous vous étendez mal. Bien entendu, la douleur étant fugace et traître, Ryan lâcha le verre qui se brisa en tombant contre le sol. Il maugréa quelque chose, un juron sans doute. Tant pis pour le verre, mais le fait de devoir ressortir la balayette et de faire attention à ce qu’il ne reste plus aucun éclat ne l’enchantait guère. Il chercha dans un des placards du mini bar avant de comprendre… qu’il n’avait pas rangé la balayette. Très bien. Il s’essuya les mains et se retourna. Un petit sourire chaleureux illumina alors son visage. Une jolie blonde se tenait en face de lui, et cette jeune femme, il la connaissait. Et ça faisait longtemps qu’il ne l’avait pas vu. Un grand plaisir pour lui de la retrouver, il s’entendait bien avec elle à l’époque, en deuxième année de médecine. A l’époque. Oui. Se souvenait-elle encore de lui? Il n’y avait qu’à voir.

-Nora! Je suis content de te voir, ça faisait longtemps. J’ai même cru que tu avais changé de ville durant la troisième année. Je t’ai pas vu une seule fois. Tu vas bien depuis? Euh, je te sers quelque chose? Tu as soif peut-être? Ou même faim? Je peux te faire un ptit truc assez rapide et pas trop mauvais, j’ai encore une demi heure avant la fermeture.

Il posa son torchon tout rendu cradingue par les tâches de bouffe sur le comptoir, et s’avança de quelques pas vers elle, ses chaussures faisant craquer les bouts de verre sur le sol. Il ne s’en soucia guère. Le client est roi. Si elle voulait être servie, elle le serait. Il nettoierait tout ça plus tard. Comble de l’impolitesse, notamment devant une jeune fille, il bailla à s’en décrocher la mâchoire, et ce sans mettre sa main devant sa bouche. En fait, il n’en avait pas eu le temps.

-Vraiment désolé. On va dire que tout le staff m’a abandonné. C’est moi qui fait la fermeture donc voilà, les ordures m’ont laissé tout faire. Enfin, la dure loi du travail quoi. En bref, marche ou crève.

Nora venait de passer 3heures auprès d’enfants hospitalisées au grand hôpital de New York, le Mount Sinaï. La jeune femme n’avait jamais vu autant d’enfant que ce soir là, ils étaient une trentaine autour d’elle a écouté l’histoire qu’elle leur contait. Beaucoup s’étaient endormis, les plus jeune en grand partie et elle les avaient raccompagné, aidé des infirmières dans leurs lits respectifs.
Beaucoup des amis d’Aaron, le père de Nora, trouvait la démarche de la jeune blonde particulièrement généreuse. Nora n’appréciait pas trop ce genre de compliment, surtout qu’il y avait tout de même un coté intéressé dans sa démarche : elle était présente auprès de ses enfants, aussi pour être capable de contrôler son empathie.
Lorsqu’elle sortit de l’hôpital il devait être environ 8h30, peut-être un peu plus. Elle fut particulièrement surprise par le froid glaciale qui s’abattait sur « la grosse pomme », elle serra plus fort son manteau noire contre son corps et avança, la rue était en pente et nombreux étaient ceux qui l’escaladait difficilement.
La jeune femme se remercia d’avoir enfiler en vitesse des converses lorsqu’il se mit à pleuvoir.
Elle savait qu’a cette heure là, son bus ne passait plus et qu’elle allait devoir marcher, pourtant Nora n’avait jamais considerait la pluie comme quelque chose de particulièrement désagréable, elle regarda les gens courir autour d’elle mais ne fit pas de même.
Un restaurant attira son attention, la lumière qui s’en dégageait faisait un contraste saisissant avec le côté grisâtre de la ville. Elle aimait ce genre de restaurant, à la française, où la nourriture était souvent particulièrement raffiné.
Elle affina son observation et remarqua Ryan, un ancien ami de 2éme année et sourit en le voyant se débattre avec son verre.
Elle repensa à la dernière fois où il s’était parler. Les choses n’avaient pas très bien fini, ça elle s’en souvenait parce qu’elle avait eu l’impression très désagréable de perdre un confident.
Après qu’il se soit séparé de sa petite amie, Nora avait était là pour lui … sans jamais le pousser à parler mais en restant des heures près de lui, juste pour le faire réviser defois. La situation était devenue ambigu à un certain moment même entre eux, il n’avait rien fait mais elle lisait dans ses yeux que ça ne l’aurait pas gêner et il fallait avouer qu’elle aussi se serait laisser tenter … même pour une nuit, mais Julian était arrivé et son cœur à elle s’était amouracher pour le fameux professeur. Ryan lui avait dit qu’elle perdrait tout dans cette relation, mais elle ne l’avait pas écouter, lui crachant au visage qu’il ne voulait pas la voir heureuse avec un professeur à cause de son ex.
Et il avait eu raison.
Elle entra donc dans le restaurant et lorsqu’elle croisa son regard, elle sourit doucement. Ses nombreuses questions l’a rassurèrent. Ils étaient toujours amis.
Effectivement, elle avait faim, elle savait comme il était doué en cuisine, c’était aussi ce qui caractériser les français non ?
La jeune blonde continua de l’écouter, il parlait … beaucoup et elle adorait ça, ça énervait beaucoup de gens mais pas elle.
Elle haussa les épaules en souriant

- oui j’ai un peu faim

Elle déposa son sac sur le comptoir lentement.

- je t’aiderai Ryan, t’en fait pas … la dure loi du travail ne se fera pas sans moi à tes côtés.

Elle s’installa plus confortablement sur la chaise haute face au bar et sourit en remarquant que pour une fois, elle était de l’autre coté.

- Alors … j’espère que tu as beaucoup de choses à me raconter jeune homme, parce que c’est décidé, ma soirée est à toi

Elle enleva son manteau avec facilité et lâcha ses cheveux pour qu’il sèche plus facilement puis finit par jeter un coup d’œil à la salle presque vide, voyant les clients comme les « perturbateurs » de sa future soirée.

Un grand sourire illumina le visage du jeune brun. Elle avait faim, c’était parfait. Le jeune homme adorait faire la cuisine, c’était un fait. Mais il adorait encore plus cuisinait pour les gens, et encore de surcroît s’il était attaché à ces personnes là. Il y avait un bon nombre de personnes qui aimaient manger, d’autres non, mais elles étaient une minorité. Il y en avait même qui considéraient la cuisine comme un art. Et pourquoi pas après tout? Beaucoup de choses pouvaient être un art. Et la cuisine était bien ce qu’on appelait un art culinaire d’ailleurs. Manger était-il aussi une sorte d’art? A méditer. La jeune blonde déposa son sac sur le comptoir, et Ryan s’empressa de le prendre, puis de mieux essuyer le bar avec le chiffon qu’il tenait encore dans l’autre main. Il détestait quand quelque chose, un objet précieux ou pas, soit tâché à cause de la bouffe. Ou à cause de n’importe quoi d’ailleurs. Quand il fut bien assuré que le bois du bar était niquel, il reposa doucement le sac, comme s’il y avait quelque chose de fragile à l’intérieur. Ce n’était pas que Ryan était quelqu’un qui prenait soin des choses à ce point, ce n’était pas vraiment un maniaque non plus, mais c’était dans ses gênes. C’était quelqu’un de très calme et patient, et beaucoup de ses gestes démontraient cette partie de son caractère. C’était quelqu’un de très posé, de très sain. Enfin, mis à part dans de très mauvaises situations où il lui arrivait de fumer comme un pompier, choses qu’il ne faisait jamais. Non, Ryan n’était même pas pour ainsi dire un fumeur occasionnel, il fumait quand ça allait vraiment mal. C’est-à-dire presque jamais. Il étouffa un petit rire quand sa jolie interlocutrice lui proposa son aide.

-Nan, nan laisse. Tu m’as déjà aidé pour tout un tas de trucs, et je t’ai toujours pas renvoyé l’ascenseur. Tu veux manger quoi? Dis-moi ce que tu veux, je te le fais gratis. Entre amis ça se fait. Et puis, même si ça me permettra pas de plus avoir de dette envers toi, je me sentirai un peu moins nul si je te l’offrais. Tu veux quelque chose de léger? Du normal? Dis moi vraiment ce qui te ferait plaisir.
Beaucoup de choses à lui raconter? Oh oui il en avait. Après un an d’absence, il en avait tout un tas. Et puis, elle lui offrait sa soirée, tant mieux il allait parler beaucoup, beaucoup. Il fallait qu’il fasse gaffe à ne pas être trop lourd, c’aurait été dommage, vraiment.

-Et bien ma belle, si tu m’offres cette soirée, je vais encore te devoir plein de trucs. Je croule sous les dettes. Ce sera pas un crédit qui aura raison de moi, mais une jolie blonde. Si j’avais su. Bah écoute, pas top du tout l’année dernière.

Et il parla longtemps, comme s’il avait besoin de déverser tout ce trop de paroles, parce qu’il ne s’était pas confié sur tous ses soucis de l’année précédente. Certes, elle l’avait aidé par rapport à sa petite amie. Mais tout ce qui concernait la santé de sa sœur et la mort de son grand père, il n’en avait jamais parlé. Peut-être pouvait-il faire une exception, pour cette petite princesse. Elle lui faisait d’ailleurs penser à Nora, et c’est-ce qu’il lui dit. Il lui raconta les soucis qu’avait sa demi sœur désormais âgée de huit ans, il lui raconta comme elle était chaleureuse, gentille, douce, un vrai petit ange, et comme elle était adorablement mignonne, une vraie poupée.

-D’ailleurs, elle te ressemble un peu physiquement. De vraies petites princesses. Et toi, dis-moi? Ca se passe bien avec… avec… enfin, voilà.

Il n’avait pas réussi à mettre le nom du professeur. Il ne l’avait jamais aimé, et ce dès les premiers cous qu’il avait eu avec lui, et il l’avait encore plus détesté quand il avait su qu’il draguait ouvertement son amie, et que cette dernière était tombée dans le panneau. Car oui, pour Ryan ce ne pouvait pas être un véritable amour, pas du côté du prof néanmoins. Nora, il était sûre qu’elle avait eut des sentiments pour lui, mais le prof… en avait-il vraiment eut? Et puis, même si c’était le cas, ce type de relations pas très saines ne présageaient généralement rien de bon. Il lui fit un petit sourire, comme pour s’excuser d’avoir encore de la rancune et de toujours détester ce prof. Mais après tout si elle était heureuse avec lui, c’était le principal. Ryan avait il été jaloux? Peut-être oui. Certainement pendant un moment même. Bien entendu il avait tout fait pour le cacher. Cela n’avait pas empêché de nombreuses scènes de disputes jusqu’à ce qu’ils ne se voient plus du tout. Mais le jeune homme n’était pas quelqu’un de rancunier, et il était tout autant fautif que la jeune femme. Il n’était pas tout blanc dans cette affaire et avait mis sa rancœur de côté quant à Nora. Quant au prof, il lui était en revanche impossible. Et puis, peut-être qu’il s’était trompé. Peut-être qu’ils avaient même des projets de fiançailles. Il n’aimait pas avoir tord, mais sur ce coup, il aurait aimé. Cela aurait prouvé qu’elle avait raison. Elle avait le droit d’être heureuse après tout. Beaucoup plus que d’autres même. Elle était si gentille. Il posa son menton sur sa main, le coude sur le bar et observait les gens derrière la jeune femme, au cas où l’un d’entre eux demanderait l’addition.

Elle sourit en l’écoutant patiemment, Ryan était le genre d’hommes à raconter avec précision, chaque détails, en y incluant des gestes, des bruits … un vrai conteur d’histoire.
Un an a raconter en plus, le jeune homme devait se régalait.
Pourtant l’histoire n’avait rien d’un conte et quand Ryan commença a déverser des flots de paroles, Nora sut qu’il en avait besoin. Cette souffrance était là, dans son coeur et il en avait sûrement parler a ses amis mais se libérer à nouveau ne devait pas lui faire de mal.
Elle posa son coude sur le comptoir et l’écouta en appuyant sa tête dessus, elle sourit doucement en entendant dans sa tête son père lui chuchotait « pas les coudes sur la table ! ». Elle ne le retira pas pour autant et plongea machinalement sa main dans le pot de noix de cajou posés près d’eux,elles les amenaient à sa bouche en fixant Ryan.
Elle sourit de plus belle lorsqu’il compara sa sœur, son petit ange à elle-même. C’était un honneur a ses yeux, même s’il ne les associait que par leurs blondeurs.
Lorsqu’enfin il parla de Julian, elle perdit son sourire mais chercha néanmoins à le laisser apparaître.
Julian et elle … elle soupira, il ne valait mieux pas qu’elle parle de ça, elle était presque guéri de lui mais … le temps ne faisait pas non plus des miracles.
Et puis elle se sentit mal, il était totalement hors de question qu’on parle de ses « amourettes », - enfin c’est comme ça que le considérait Ryan - alors qu‘il venait de se livrer sur le cas de sa sœur leucémique.
- Tu sais … je vois beaucoup de jeunes filles leucémiques à Mount Sinaï, tu devrais m’accompagner un jour. Elles sont toutes plus belles, les unes que les autres.
La démarche du jeune homme était tellement belle, décider d’être docteur pour guérir mieux la maladie d’un ange malade, c’était particulièrement beau. Elle ne le dirait jamais à son ami évidemment, il ne voyait pas les choses comme ça et c’était compréhensible.
Elle revint dans sa tête sur ce qu’elle venait de dire, c’était si banale ! Tellement simple … tout le monde avait du lui dire ce genre de choses, elle aurait du placer un « je suis desolé pour ta sœur » pendant qu’elle y était.
Elle était son amie, ses mots devaient être plus personnelle, plus marquant ! Pourquoi était-elle si bête defois !
- toutes les princesses sont courageuses tu sais … on croit que c’est les princes, mais pas du tout ! Tu crois que c’est facile de rester enfermé dans un donjon ? Ou de dormir pendant des années ? Ou encore de vivre avec 7 mecs, même si c’est des nains ? …
Elle avait garder un air innocent et totalement impliqué en disant ça, sa méthode était toujours la même, il fallait dédramatisé .. C’est ce qu’elle faisait constamment et même si quelque fois elle ne faisait qu’enfouir sa douleur,au moins ça lui rappelait toujours qu’il y avait pire.
- Et puis si elle me ressemble, il faut qu’elle vive, c’est trop dure à porter le titre de « femme la plus belle du monde » tu peux pas comprendre toi !
Elle rit un peu et suivit son regard posé sur les clients.
Elle avait faim, une envie de poulet et de sauce crémeuse mais elle attendrait que les clients soient partit. Nora profiterait entièrement de son repas a ce moment là, lorsqu’elle verrait son amie en face d’elle, en train de manger lui aussi.
Sa journée avait été longue et elle avait le ventre vide, alors en attendant, elle se goinfrerait de ses petits apéritifs qui iraient se loger directement dans ses cuisses.

Ryan remarqua immédiatement que Nora n’avait pas répondu à sa question. Ainsi si elle ne voulait pas parler de ce prof, c’est que cela avait mal tourné. Comme le jeune homme aurait bien voulu avoir tord pour une fois. Habituellement, il détestait qu’on puisse avoir raison et lui non, simple principe de fierté un peu débile, mais bon. Là il aurait aimé qu’elle se moque, qu’elle lui dise « et bien tu vois, j’avais raison. Ça marche, et tout ce que tu as dit n’était que des foutaises ». Enfin, il ne se souciait guère de l’avenir de la jeune femme étant donné son potentiel. Elle était intelligente, gentille, chaleureuse et jolie. En conséquent, elle possédait toutes les principales qualités requises. En fait elle enchaîna sur les enfants leucémiques qui se trouvaient dans un hôpital. Était-ce celui où elle avait fait du bénévolat pendant quelques temps? En faisait-elle encore? Possible. Ryan haussa les épaules, pas entièrement convaincu.

-Je sais pas trop pour ce qui est de l’hôpital. Peut-être quand j’aurai mon diplôme en poche. Mais là c’est un peu trop tôt pour moi. Je pense déjà trop souvent à elle et à sa santé. Alors de voir plein atteints de la même maladie. Je crois que j’y penserai encore plus. Non, j’irai vers la fin de mes études, d’ici une petit année à peine. Avant de quitter le pays en fait.

En effet, le jeune homme avait déjà assez avec une personne malade dans sa famille, et il pensait que de voir encore et encore des leucémiques serait un peu trop lourd pour lui. Il n’était pas prêt, pas encore. Ah douce petit Nora. Elle avait les paroles pour remonter le moral. Elle avait un certain humour qui ne passait pas inaperçu quant au jeune homme. Elle devait être très fleur bleue pour parler ainsi de princesses, de princes et de contes. Merveilleuse petite Nora. Elle avait dû se construire tout un monde à elle. Un monde comme on aimerait qu’il en existe. Un peu magique, très beau. Il ne put s’empêcher de pouffer de rire quand elle en arriva aux nains. A lui maintenant de jouer la carte de l’autodérision.

-Non, c’est certain. Avoir sept porcs avec soit, la pauvre Blanche Neige a dû souffrir. Faire la popote et l ménage pour tout le monde, elle devait être au moins tout aussi fatiguée qu’eux. Mais moi je sais faire à manger. Et je ne suis pas sale. Peut-être que si on inversait les rôles. Moi à la place de Blanche Neige tiens. Ce serait pas mal comique. Enfin, moi romantique, un peu plus moche et pas crédible je dois te l’avouer. Bah. Le vrai prince existe forcément ma grande. Faut juste l’attendre, être patient c’est lourd mais bon. C’est pareil pour les gars. Sauf que c’est pas pareil. Et moins sain je te l’affirme.

Et puis, comme si de rien n’était, la jolie blonde partit elle aussi à son tour dans un réel lançage de fleur. L’autodérision, c’était très certainement le genre d’humour que le brun préférait. Il aimait que les gens prennent plaisir à se moquer d’eux-mêmes. Il prit un faux air hébété, comme s’il était trop stupide pour comprendre la jeune femme.

-Bah nan, je peux pas comprendre, étant donné que je suis un homme. Et puis, un plus bel homme du monde ne sera jamais aussi beau que la plus belle femme du monde alors tu vois. Enfin si, je comprends mais à ma façon. Donc selon toi je ne comprends pas. Enfin bref. Tu m’as même pas demandé ce que tu voulais manger. Parce que entre le temps où je vais préparer la nourriture et le temps où on pourra la manger, ce sera peut-être un peu long. Ah, attends deux secondes. Désolé.

Le jeune homme lui tapota le bras, comme s’il s’excusait encore, puis partit vers les derniers clients. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ils le payèrent en liquide. Étonnant oui, car la somme de ce qu’ils avaient commandé s’élevait en tout pour tout à 180 euros. Bien que le restaurant ne soit pas cher, ils étaient tout de même cinq à manger. Le jeune brun revint tout excité, un billet de cent entre les mains et le présenta à la jeune fille, comme un gamin montrait un trésor tout juste trouvé, en lui agitant sous le nez.

-T’as vu ça. T’as vu avec quoi il a payé? Un billet de cent euros. C’est pas souvent qu’on voit ça, dis, hein! Je me demande si c’est de l’argent honnête d’ailleurs. Alors… maintenant que tout le monde est parti… tu vas peut-être bien vouloir me dire ce qui te ferait plaisir. A moins que je dois deviner de que plat tu es en train de saliver.

Le garçon avait pris la balayette, se rappelant du petit accident qui s’était passé, et commença à faire le petit ménage derrière le bar, tout en tendant l’oreille, attendant que la jolie blonde procède à sa demande.

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